Mayo : un sujet salivant

Après avoir fantasmé sur le colin, salivons maintenant sur un sujet hérissé par des difficultés de tout poil. Parlons mayo, donc, une affaire qui excite le colin déjà mentionné, mais aussi tous les foodistos et foodistas en vue.

Le gras, c’est la vie !

Le gras, c’est la vie !

Commençons dans le dur aussitôt,comme ça, ce sera fait. La mayonnaise est une émulsion, c’est-à-dire un système dispersé constitué de deux phases non miscibles (l’huile et l’eau) stabilisé grâce à un troisième (les phospholipides du jaune d’œuf) et un quatrième encore : une très forte énergie de cisaillement. La formule magique est donc : eau + phospholipides+ huile + énergie = mayo. Le dernier ingrédient, l’énergie, est de loin le plus sensible et la cause même de tous les ratages mythiques et foirades sensationnelles

POINT TECHNIQUE

L’eau. Indispensable, elle est fournie par le jaune d’œuf lui-même, le vinaigre, la moutarde, plus celle qu’on rajoute. Pas assez d’eau : mayo dure et instable, juste ce qu’il faut : mayo de compétition, trop d’eau : mayo flotteuse et mollassonne. Les phospholipides. Primordiaux. Fournis par le jaune d’œufs extra frais, ils ont une double affinité électrique qui leur permet une double orientation : positive vers l’eau, négative vers l’huile. Les phospholipides forment donc le « film interfacial » qui, de ses petits bras musclés, maintient eau et huile ensemble. L’huile. C’est le composant majoritaire de la recette… Huile d’arachide, d’olive, de noix, de noisette, de courge, parfumée, colorée, infusée… Seule votre imagination sera la limite. L’énergie. C’est le cisaillement que vous allez donner en fouettant ! Lui seul permet la double orientation du « film interfacial » entre l’eau et l’huile. Le fouet électrique est très recommandé par votre serviteur

Le cisaillement est intense… La couleur très jaune vient de l’huile de colza riche en pigments.

Le cisaillement est intense… La couleur très jaune vient de l’huile de colza riche en pigments.

Énergie de cisaillement, le vrai secret. Là c’est vraiment technique… L’énergie de cisaillement est une condition indispensable à la réussite de la mayo et des émulsions en général... Cette énergie, pour pouvoir être agissante (à savoir orienter les phospholipides vers l’huile et l’eau), doit être appliquée sur la phase dispersante (jaune+ moutarde + vinaigre + eau) pendant que l’on y disperse la phase dispersée (l’huile)... Par ailleurs, la phase dispersée (l’huile) doit être ajoutée lentement sinon elle confisque l’énergie de cisaillement au détriment de la phase dispersante (les jaunes) qui, insuffisamment agitée, devient inopérante. Oui, oui, je sais, c’est assez pointu tout ça…

Oh, ça fait peur ce genre de tableau…

Oh, ça fait peur ce genre de tableau…

Vous noterez aussi la loi d’asymétrie de la mayo : la répartition des temps de mélange et des quantités d’huile ajoutée suit une règle assez précise résumé dans cette figure. Le respect de cette loi d’asymétrie est la clef de réussite.

LA RECETTE

Exceptionnellement lourde et indigeste, la mayonnaise devrait faire monter en flèche votre cholestérol. Mais peut aussi accompagner de nombreux plats comme le majestueux colin évoqué tout récemment, à l’échelle géologique, s’entend.

Ingrédients pour 400 g de mayo environ et Instruments. 1 bol de 1200 ml, environ. 1 batteur électrique 1 épouse en pleine ménorrhée ou 1 cadre incapable de rien en cuisine ou 1 ado à smartphone (avec boutons ou pas) Phase dispersante (soit 10 % massique de la formule) 1 jaune d’œuf bio extra super frais (15/17 g) 1 c. à s. de moutarde forte (20 g) 1c. à s. d’eau froide (8/10 g), 1 c. à s. de vinaigre de vin (8/10g) Phase dispersée (soit 90 % massique !) Eh oui, pour le régime, c’est mort) 375 g cl d’huile de votre choix souverain. Assaisonnements Sel (2 g) et poivre blanc (1 g)

COMMENT Qui fait la mayonnaise ? Pour vous montrer que cette recette complexe est aussi infaillible, prenez la personne la plus incompétente en cuisine que vous connaissez : votre mari par exemple. 1 La phase dispersante, en premier. Dans un bol, faites-lui mélanger avec un fouet à main tous les ingrédients de cette phase. Il faut obtenir une flaque jaunâtre et homogène, sans intérêt particulier. 2 La phase dispersante et l’énergie de cisaillement : point crucial. Au fouet à main s’il se sent d’attaque ou électrique si vous voulez qu’il assure, faites fouetter sans pitié la phase dispersante. Nb : elle ne doit pas être projetée en gerbes sur les enfants qui vous observent en ricanant. 3 Ajout de l’huile. Versez un tiers de la phase dispersée (soit 125 g) en versant très lentement soit pendant 2 minutes chrono ! C’est précis…. Au début la chose paraîtra assez liquide et le doute, tel un poison mortel s’insinuera en vous. Luttez contre ce maléfique sortilège et poursuivez dans l’espérance. Tout à coup ça s’épaissit un peu : par affinité électrique, le film interfacial s’oriente et la mayo commence enfin à prendre : Alléluia, Alléluia… Battez encore plus vite et versez plus vite le reste de l’huile (250 g) en 1 minute. Salez, poivrez, embrassez votre mari.

POURQUOI ? Il y a tellement de pourquoi ici que l’auteur, harassé renonce à les rédiger. Pris d’une flemme vertigineuse, il préféré aller s’endormir dans un coin et nous affirme qu’il consacrera une prochaine Newsletter aux « pourquoi » et autres mystères insondables du sujet mayo. Merci au lecteurs de bien vouloir l’excuser.

MARIAGE SPONTANÉ

Cuvée Zacmau…

Cuvée Zacmau…

Marier la mayonnaise avec un vin est une entreprise périlleuse… Mais si vous la servez avec le colin présenté tout récemment, proposez une cuvée du Domaine Causse Marines de Patrice Lescaret, grande maison fort connue des connaisseurs et dont les vins, année après année, continuent d’émerveiller…

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Stephane Lagorce